Quand Pédagogie Rime avec Harmonie
Accompagner l’enfant au fil des étapes de sa croissance relève de la pédagogie comme nous le montre l’étymologie du mot composé grec : pais / paidos – enfant(s) et agein – conduire. Cette base étymologique peut nous aider à en comprendre le sens pour mieux l’interpréter et l’élargir.
Dans la Grèce antique, le « pédagogue » était le nom donné à l’esclave qui avait pour mission d’accompagner l’enfant dans les lieux où il recevait un enseignement. Ensuite, il lui incombait de jouer le rôle de répétiteur pour l’aider à l’intégrer. De nos jours, on demande à l’enseignant d’être « bon pédagogue » afin de susciter chez ses élèves l’envie et le goût d’apprendre.
Mais apprendre quoi ? Et pourquoi ?
Nous pourrions retourner prendre conseil auprès de Michel de Montaigne (1533-1592) qui déclarait en son temps que « mieux vaut une tête bien faite, qu’une tête bien pleine ».
De nos jours, nous remplissons les têtes des enfants comme s’ils étaient des récipients vides dans lesquels on devait faire entrer un maximum de connaissances, sans se soucier du bien fondé de la démarche et sans respect non plus de l’être-enfant qui entame son processus d’incarnation par cycles successifs de 7 ans. Dans son ouvrage « Maîtrisez votre Destinée par les cycles de sept ans. », Pierre Lassalle reprend et enrichit cet enseignement de Platon, il en développe toute la sagesse, qu’il nomme Biosophie. (1)
Même si la pédagogie est considérée actuellement comme l’une des « sciences de l’éducation », il me semble plus pertinent de la considérer et de l’aborder comme « un Art », l’art d’accompagner l’enfant avec sagesse et justesse dans les différentes étapes de sa croissance aux plans physique, psychique et spirituel. Une telle démarche s’inscrit alors dans une quête d’harmonie car l’adulte qui se veut « accompagnant », ou pédagogue, se doit d’être attentif aux besoins de l’enfant afin de tout mettre en oeuvre pour y répondre dans le respect de l’être en devenir dont il a charge d’âme. (2)
Créer les conditions du développement harmonieux de l’enfant est une mission exigeante qui demande un engagement de tous les instants. Trop intellectualiser et « psychologiser » (vous me pardonnerez ce néologisme) sont des pièges dans lesquels bien des éducateurs tombent à pieds joints. « L’enfant est une personne » déclarait la grande psychologue Françoise Dolto dans les années 1970/80, mais elle avait vite dû préciser qu’il n’était pas pour autant une « grande personne », car elle constatait avec effroi combien ses propos avaient été détournés. On ne peut pas considérer l’enfant comme un « mini-adulte » et lui tenir des discours sur tout ce qui l’entoure ou lui asséner des théories à tout propos… Il n’est pas judicieux de répondre à des questions qu’un enfant n’a pas formulées, et si question il y a, la réponse doit être adaptée à son âge !
Les capacités intellectuelles de l’être humain sont évidemment précieuses, les apports de la psychologie sont indéniables mais on ne saurait réduire l’éducation à ces deux paramètres ! Nos modes de vie complètement soumis aux lois matérialistes ont eu des conséquences sur notre pensée qui est très performante, certes, mais qui est devenue hyper rationnelle, analytique, intellectuelle et froide. Elle est coupée de la dimension chaleureuse du coeur…
En matière d’éducation, on souffre d’un excès d’analyse et de spécialisation qui finit par réduire l’acte d’enseigner à des techniques visant plus la performance de l’élève que l’épanouissement de l’être.
Ne serait-il pas temps d’aborder la pédagogie avec plus de hauteur et aussi d’humanité?
L’harmonie est un idéal très élevé qu’on pourrait croire inaccessible et irréalisable en matière de pédagogie et d’éducation ! C’est oublier qu’en ce domaine, comme en tout autre, rien de grand, de beau ou de bon n’est possible sans la force colossale d’un idéal ! Comment garder un cap sans idéal ?
L’idéal d’harmonie peut apporter un puissant éclairage sur le chemin difficile des parents et des pédagogues. L’enfance nous apparaît parfois comme une énigme insoluble et l’on peut se sentir submergé ou perdu face à des comportements, des réactions ou des questions qui nous déstabilisent jusqu’à faire vaciller nos certitudes d’adultes « omniscients »…
En réalité, nous nous heurtons aux limites de notre ignorance ou la perte de la Sagesse qui sous tend le processus d’incarnation et la nature même de l’être humain.
Bien des enseignants et des parents peuvent se retrouver brusquement sans repères au point de ne plus savoir comment agir de manière juste ou adaptée face à des enfants eux-mêmes en proie aux vicissitudes d’un monde dans lequel la satisfaction immédiate des désirs prime sur tout autre considération.
Le moment est venu de faire une pause pour s’extraire des pensées « toutes faites » et oser se poser ses propres questions… Pour se remettre en question !
Quand un problème se lève dans l’éducation d’un enfant, il est sage de se souvenir que celui qui a la responsabilité de le résoudre, c’est l’adulte !
Il dispose pour cela de trois outils essentiels : la pensée, le sentiment et la volonté.
Il sait les manier, ce qui n’est pas encore le cas de l’enfant qui, lui, est en apprentissage !
La pensée, non pas cogiter ou ratiociner, mais surtout prendre du recul et du temps pour réfléchir aux liens de causes à effets qui ont provoqué la situation problématique voire la crise. C’est aussi se tourner vers la connaissance pour élargir sa propre vision, l’élever, l’enrichir et la faire évoluer.
Si un enfant pleure tous les soirs au moment d’aller au lit et appelle ses parents pour boire, pour un bisou, pour aller aux toilettes… Une fois éliminées les causes physiques (maladie, malaise), il faut chercher ailleurs… Il peut ressortir d’une petite enquête bien menée que l’enfant soit « en manque », par exemple en manque d’attention de la part de l’un de ses parents qu’il voit peu, car ses obligations professionnelles le font quitter la maison très tôt le matin et/ou rentrer tard le soir… L’enfant a besoin de passer du temps avec lui, de se sentir important, aimé… Il suffira tout simplement de trouver comment répondre à son besoin, somme toute légitime !
Le sentiment se décline en deux axes :
Le premier consiste à faire l’effort de garder son cœur ouvert vis à vis de l’enfant pour être capable d’accueillir sa différence (qui le plus souvent nous dérange grandement…) ainsi que ses émotions qu’il ne peut absolument pas maîtriser.
Le second demande des efforts de maîtrise émotionnelle car il revient à l’adulte de se remettre en question et d’être acteur d’apaisement et de tempérance. Ce faisant, il sera en mesure d’aider l’enfant à mieux identifier ses propres émotions.
Voici une anecdote révélatrice : dans une école où j’effectuais un remplacement dans une classe de petite section, un petit garçon de 3 ans adoptait systématiquement un ton plaintif et geignard quand il demandait quelque chose… Ce qui avait finit par m’agacer. Je lui demandai à brûle pour point : « Mais qui parle de cette manière chez toi ? Ton papa ? Ta maman ? » Il me regarda, interloqué, et me répondit : « Maman !… »
La volonté fait référence à la mise en oeuvre et à la capacité de manifester nos pensées éclairées par tout le travail fait en amont, qu’on ne laissera pas dévier par la sphère émotionnelle conscientisée et mieux maîtrisée. On a tous envie de « bien faire » mais pour « faire le bien » encore faut-il avoir déjoué tous les pièges qui cherchent toujours à nous en détourner.
Dans un colloque dédié à l’enfance auquel je participais, une jeune maman témoignait de son expérience avec son enfant de 3 ans qui refusait de faire la sieste et rendait les soirées invivables à toute la famille tant il était fatigué. Elle avait tout essayé… Un jour, suite à des lectures et des échanges avec des amis, elle prit conscience de l’importance fondamentale de ce temps de repos pour la santé et le bon développement de son enfant,. Elle nous expliqua que cette prise de conscience changea complètement son approche avec son enfant. Il perçut une telle détermination chez sa maman qu’il ne lui opposa plus aucune résistance et reprit un rythme de veille/sommeil correspondant à ses besoins et à son âge.
Le Dr Joachim Berron préfère le terme de compétence à celui d’autorité, car selon lui, un enfant a besoin de sentir que les adultes qui l’entourent sont compétents, c’est-à-dire qu’il peut avoir confiance en eux ce qui lui permet de se sentir en sécurité.(2) L’exemple ci-dessus est très révélateur puisque cette maman a agi sans faiblir ce qu’elle a compris.
L’adulte serait bien inspiré de s’appuyer sur les 4 piliers que sont :
• L’Écoute
• La Remise en question
• Le Bon sens
• La Simplicité / l’Authenticité
Il me semble, en effet, qu’ils sont des ingrédients indispensables pour réussir à créer une relation harmonieuse avec l’enfant quelque soit le rôle qu’on joue à ses côtés (parent, éducateur, enseignant).
On gagnera en légèreté grâce à l’humour qui a le pouvoir de nous aider à dédramatiser et avec lequel on retrouve le goût du jeu !
Quel plus bel enseignement pouvons-nous transmettre aux enfants, si ce n’est que la vie est un jeu ? Et encore mieux, le jeu de l’Harmonie !
Pascale Hamon – Pédagogue, spécialiste de la petite enfance.
(1) « Maîtrisez votre Destinée par les cycles de sept ans. » Pierre Lassalle – Éd Terre de Lumière
(2) « Sept Regards sur l’enfance ». Dr Joachim Berron – Éd Triskell – TRISK REGARDS